Eclair de lucidité, fulgurance, pressentiment, petite voix.
Depuis quelques années le terme intuition est utilisé dans le langage courant, dans les propos du développement personnel, dans la bouche de divers professionnels des pratiques corporelles, de la psychologie (et de quasi gourous qui souvent zappent à bon compte l’expérience, l’apprentissage long et la connaissance).
Cette notion interpelle les scientifiques tout comme celle de la transe, des états modifiés de conscience ou des modifications cérébrales durant la méditation par exemple.
Preuve en est : il existe des DU (diplôme universitaires) de méditation, de transe même (Paris 8) avec la participation de Corine Sombrun.
L intuition semble liée à l’émotionnel, elle jaillit et nous pousse à agir. Pourtant agir sous le coup de l’émotion est souvent préjudiciable.Alors qu’est ce donc et peut on s’y fier? Elle est l’objet de recherches scientifiques et ne peut plus être circonscrite à un vague ésotérisme.
D’après le professeur de neurosciences cognitives Joel Pearson ce pourrait être une opération hors de la conscience, un circuit rapide qui viendrait appuyer un circuit plus réfléchi, plus lent et construit.
Pour Daniel Kahnman ce serait un pur système de pensée rapide et émotionnel complémentaire d’un second système lent et réfléchi
Le raisonnement conscient en imagerie se loge dans la partie préfrontale du cerveau. L’intuition court-circuiterait ce raisonnement plus long qui demande de la concentration pour proposer une solution rapide.
Ce pourrait être également une résultante du travail inconscient sur la mémoire.
Difficile de localiser l’information inconsciente, de plus l’intuition géniale du footballeur est différente de celle du joueur d’échec et du chercheur.
Lors d’une expérience auprès de joueurs de stratégie, ceux ci devaient trouver le meilleur coup pour conclure dans deux situations l’une en mode intuitif quasiment instantané et l’autre en réflexion de 7 à 8 secondes.
En mode intuitif le joueur mobilise une zone du cerveau appelé noyau codé impliqué dans l’exécution de modes automatiques. En situation analytique plus longue cette zone ne s’allume pas dans l’examen IRM fonctionnelle, seule la partie du cortex cérébral est sollicitée.
On solutionnerait sans passer par la pensée.
Une autre expérience montre que ce noyau codé est d’autant plus activé que l’apprentissage au jeu est important.. Apprentissage et expérience seraient des moteurs de l’intuition.
Pourquoi ce chef pompier décide sans réfléchir (et sauve ses hommes) en leur ordonnant de sortir immédiatement de la maison en flammes qui s’écroulera 5 mn après.
Comprendre ce mécanisme permettrait de diminuer le cout d’un raisonnement conscient long pour une solution qui répondrait à des situations d’urgence.
L’intuition est un mélange de connaissances et d’émotions.
Ou bien l’exemple de cette infirmière qui prévoit un arrêt cardiaque d’un patient quand bien même est il entouré d’un médecin avec un rythme cardiaque normal.
Ce serait d’après la couleur de la peau et le timbre de sa voix qu’elle aurait décidé de chercher l’équipe de réanimation. En fait l’intuition proviendrait d’une multitude de signaux inconscients et par une activation physiologique (rythme cardiaque, transpiration plus abondante..
Les personnes intuitives feraient correspondre la situation actuelle avec leur expérience, leur vécu et leurs connaissances.
Pour résumer, le magazine Sciences et Avenir, l’intuition
C’est un éclair de génie/un coup d’œil expert/Un pressentiment.
Ce n’est pas un instinct, une pulsion.
Et pour son usage les règles à respecter :
1/ Etre calme
2/ A utiliser dans des domaines maitrisés
3 / Dans des contextes familiers.
4/Ne pas confondre avec les impulsions primaires.
Pour Corine Sombrun dans son livre La diagonale de la joie la transe faciliterait le processus d’intuition. Elle se réfère à Poincaré qui butait sur un problème de mathématiques et qui se rendant chez des amis et mettant le pied sur le marchepied du bus sait alors qu’il trouvera la solution.
Poincaré lui même expliquerait ce phénomène par l’inconscient.
Pour Sombrun on sous estime le rôle de l’inconscient dans la formation des idées. Il n’y a pas de méthode et la transe pourrait être une exploration qui faciliterait la pensée intuitive.
En diminuant le contrôle du mental cet état de transe nous permettrait d’accéder à d’autres configurations de la perception du monde et des idées.
Nous ne sommes pas loin du concept de sérendipité.
Mon expérience m’a montré que la rêverie, la relaxation, la transe hypnotique très banale comme l’état de relaxation permet de décrocher et de faire fuser des idées et des propositions très souvent judicieuses.
La marche, la randonnée par son coté répétitif et hypnotique facilite également l’émergence d’intuitions, d’idées, de concepts nouveaux. En cause assurément la répétitivité du rythme et peut être le contexte relaxant de la nature.
J’ai pu faire une partie de ma formation avec France Schott Billmann, docteur en biologie et psychologie, psychanalyste et professeur de danse thérapie à Paris 5 qui présente la transe comme un état de régression et de lâcher prise dû à la répétition hypnotique de gestes dans des rythmes souvent à base de percussions conduisant à une sorte de possession. Son école est celle de la danse primitive. Répétition hypnotique et exaltante qui émancipe des timidités de la crainte du regard et qui pousse hors de soi. La transe peut être un puissant outil thérapeutique. Le balancement répétitif du corps ou le tournoiement incessant des Soufis conduisent aux mêmes effets.
La danse sensitive, école de Dominique Hautreux, psychologue et pionnière dans la danse et l’inconscient et qui m’a formé, peut amener des phénomènes de transe par la gestuelle qui colle aux sensations aux images et qui s’affranchit des processus conscients et de réflexion.
Ces transes sont des outils thérapeutiques car elles viennent remuer des mémoires inconscientes, souvent douloureuses ( pas seulement) mais les temps de partage permettent de réduire leurs actions puisqu’une partie de soi douloureuse est désormais identifiée et mise à distance. Il n y a pire angoisse que celle que l’on identifie pas et qui nous mène par le bout du nez.
Je pourrai citer Gabrielle Roth qui faisait partie des chamans des villes qui utilisait la danse et ses facettes( transe, rythmes états modifiés de conscience) comme voie d’accès à l’extase. A regarder sur internet l’état des danseurs de son école lors d’un atelier des 5 rythmes.
La danse de la tarentule en Italie du Sud ou bien la danse de l’Argia en Sardaigne procèdent de danses collectives qui permettent la transe et l’exorcisme à travers la crise de possession en assignant au mal une origine et une identité.
Pour conclure: les phénomènes récemment mis en lumière de l’intuition et de la transe sortent du cantonnement à la parapsychologie ou la sorcellerie et nous ouvre à coup sûr sur des voies passionnantes à la condition de ne pas se mettre entre les mains de charlatans qui ont fait deux week end de stage de chaman ou de danse à vocation thérapeutique.
Pour plus d’informations
Sciences et avenir Aout 2O21
Corine Sombrun La diagonale de la joie
France Schott Billmann le primitivisme en danse
Gabrielle Roth Les voies de l’extase https://www.youtube.com/watch?v=8cYYzcTzm6Y
Dominique Hautreux son site la danse sensitive
La danse de l’argia Clara Gallini
Natura Tempo 
Très intéressant. Je suis allée chercher la définition de sérendipité et ça fusionne un peu avec mon process de création. C’est le corps, l’énergie, le geste qui font productions.
En céramique c’est de plus en plus flagrant même si la matière peut être vu comme un frein. Au contraire elle est un catalyseur, elle porte en elle la mémoire des gestes, la pesanteur et l’énergie La plupart du temps, je coupe, je jette, je frappe, j’étire, je pince, je tourne.
Un peu maltraitant tout ça.
Le feu consolide et fixe cette énergie à 1280 degrés. A cette température, on pourrait calciner, détruire mais c’est une délicatesse qui apparait. Faire beauté avec de la rage !
J’aimeJ’aime
Merci du retour Murielle,
Je pense également que l’artiste, le plasticien, l’écrivain est dans une sorte de transe créatrice, que les moteurs en sont les émotions et des énergies qui poussent hors de soi, qui ex-priment et qui libèrent des matériaux souvent inconscients.
Intéressant cette similitude des frappes, jetés, pinces avec les gestuelles des transes .
J’aimeJ’aime